Denis Diderot:JACQUES LE FATALISTE ET SON MAÎTRE
- nuovo libro 2018, ISBN: 1230002406961
Jacques commença l'histoire de ses amours. C'était l'après-dînée: il faisait un temps lourd; son maître s'endormit. La nuit les surprit au milieu des champs; les voilà fourvoyés. Voilà le… Altro …
Jacques commença l'histoire de ses amours. C'était l'après-dînée: il faisait un temps lourd; son maître s'endormit. La nuit les surprit au milieu des champs; les voilà fourvoyés. Voilà le maître dans une colère terrible et tombant à grands coups de fouet sur son valet, et le pauvre diable disant à chaque coup: 'Celui-là était apparemment encore écrit là-haut...' Vous voyez, lecteur, que je suis en beau chemin, et qu'il ne tiendrait qu'à moi de vous faire attendre un an, deux ans, trois ans, le récit des amours de Jacques, en le séparant de son maître et en leur faisant courir à chacun tous les hasards qu'il me plairait. Qu'est-ce qui m'empêcherait de marier le maître et de le faire cocu? d'embarquer Jacques pour les îles? d'y conduire son maître? de les ramener tous les deux en France sur le même vaisseau? Qu'il est facile de faire des contes! Mais ils en seront quittes l'un et l'autre pour une mauvaise nuit, et vous pour ce délai. L'aube du jour parut. Les voilà remontés sur leurs bêtes et poursuivant leur chemin.?Et où allaient-ils??Voilà la seconde fois que vous me faites cette question, et la seconde fois que je vous réponds: Qu'est-ce que cela vous fait? Si j'entame le sujet de leur voyage, adieu les amours de Jacques... Ils allèrent quelque temps en silence. Lorsque chacun fut un peu remis de son chagrin, le maître dit à son valet: Eh bien, Jacques, où en étions-nous de tes amours? JACQUES. Nous en étions, je crois, à la déroute de l'armée ennemie. On se sauve, on est poursuivi, chacun pense à soi. Je reste sur le champ de bataille, enseveli sous le nombre des morts et des blessés, qui fut prodigieux. Le lendemain on me jeta, avec une douzaine d'autres, sur une charrette, pour être conduit à un de nos hôpitaux. Ah! monsieur, je ne crois pas qu'il y ait de blessures plus cruelles que celle du genou. LE MAÎTRE. Allons donc, Jacques, tu te moques. JACQUES. Non, pardieu, monsieur, je ne me moque pas! Il y a là je ne sais combien d'os, de tendons et d'autres choses qu'ils appellent je ne sais comment... '... Si bien que ce n'est que le lendemain, à midi, continua le caporal, que je fus échangé et mis dans une charrette avec treize ou quatorze autres, pour être transporté à notre hôpital.?Il n'y a pas de partie dans tout le corps, sauf votre respect, où une blessure cause une torture plus intolérable qu'au genou. '?Excepté à l'aine, dit mon oncle Toby.?Sauf votre respect, repartit le caporal, le genou, à mon avis, doit certainement être plus douloureux à cause de tous les tendons et de tous les je ne sais quoi qui s'y trouvent.' (Sterne. Tristram Shandy, liv. VIII, chap. cclxiii.) Une espèce de paysan qui les suivait avec une fille qu'il portait en croupe et qui les avait écoutés, prit la parole et dit: 'Monsieur a raison...' On ne savait à qui ce monsieur était adressé, mais il fut mal pris par Jacques et par son maître; et Jacques dit à cet interlocuteur indiscret: 'De quoi te mêles-tu? ?Je me mêle de mon métier; je suis chirurgien à votre service, et je vais vous démontrer...' La femme qu'il portait en croupe lui disait: 'Monsieur le docteur, passons notre chemin et laissons ces messieurs qui n'aiment pas qu'on leur démontre. ?Non, lui répondit le chirurgien, je veux leur démontrer, et je leur démontrerai...', Jacques commença l'histoire de ses amours. C'était l'après-dînée: il faisait un temps lourd; son maître s'endormit. La nuit les surprit au milieu des champs; les voilà fourvoyés. Voilà le maître dans une colère terrible et tombant à grands coups de fouet sur son valet, et le pauvre diable disant à chaque coup: 'Celui-là était apparemment encore écrit là-haut...'Vous voyez, lecteur, que je suis en beau chemin, et qu'il ne tiendrait qu'à moi de vous faire attendre un an, deux ans, trois ans, le récit des amours de Jacques, en le séparant de son maître et en leur faisant courir à chacun tous les hasards qu'il me plairait. Qu'est-ce qui m'empêcherait de marier le maître et de le faire cocu? d'embarquer Jacques pour les îles? d'y conduire son maître? de les ramener tous les deux en France sur le même vaisseau? Qu'il est facile de faire des contes! Mais ils en seront quittes l'un et l'autre pour une mauvaise nuit, et vous pour ce délai.L'aube du jour parut. Les voilà remontés sur leurs bêtes et poursuivant leur chemin.?Et où allaient-ils??Voilà la seconde fois que vous me faites cette question, et la seconde fois que je vous réponds: Qu'est-ce que cela vous fait? Si j'entame le sujet de leur voyage, adieu les amours de Jacques... Ils allèrent quelque temps en silence. Lorsque chacun fut un peu remis de son chagrin, le maître dit à son valet: Eh bien, Jacques, où en étions-nous de tes amours?JACQUES.Nous en étions, je crois, à la déroute de l'armée ennemie. On se sauve, on est poursuivi, chacun pense à soi. Je reste sur le champ de bataille, enseveli sous le nombre des morts et des blessés, qui fut prodigieux. Le lendemain on me jeta, avec une douzaine d'autres, sur une charrette, pour être conduit à un de nos hôpitaux. Ah! monsieur, je ne crois pas qu'il y ait de blessures plus cruelles que celle du genou.LE MAÎTRE.Allons donc, Jacques, tu te moques.JACQUES.Non, pardieu, monsieur, je ne me moque pas! Il y a là je ne sais combien d'os, de tendons et d'autres choses qu'ils appellent je ne sais comment...'... Si bien que ce n'est que le lendemain, à midi, continua le caporal, que je fus échangé et mis dans une charrette avec treize ou quatorze autres, pour être transporté à notre hôpital.?Il n'y a pas de partie dans tout le corps, sauf votre respect, où une blessure cause une torture plus intolérable qu'au genou.'?Excepté à l'aine, dit mon oncle Toby.?Sauf votre respect, repartit le caporal, le genou, à mon avis, doit certainement être plus douloureux à cause de tous les tendons et de tous les je ne sais quoi qui s'y trouvent.' (Sterne. Tristram Shandy, liv. VIII, chap. cclxiii.)Une espèce de paysan qui les suivait avec une fille qu'il portait en croupe et qui les avait écoutés, prit la parole et dit: 'Monsieur a raison...'On ne savait à qui ce monsieur était adressé, mais il fut mal pris par Jacques et par son maître; et Jacques dit à cet interlocuteur indiscret: 'De quoi te mêles-tu??Je me mêle de mon métier; je suis chirurgien à votre service, et je vais vous démontrer...'La femme qu'il portait en croupe lui disait: 'Monsieur le docteur, passons notre chemin et laissons ces messieurs qui n'aiment pas qu'on leur démontre.?Non, lui répondit le chirurgien, je veux leur démontrer, et je leur démontrerai...' Inhoud: Taal: Franstalig; Bindwijze: E-book; Verschijningsdatum: juli 2018; Ebook formaat: Epub zonder kopieerbeveiliging (DRM); Betrokkenen: Auteur: Denis Diderot; Uitgever: Jwarlal; Lees mogelijkheden: Lees dit ebook op: Android (smartphone en tablet) | Kobo e-reader | Desktop (Mac en Windows) | iOS (smartphone en tablet) | Windows (smartphone en tablet) | Overige e-reader; EAN:, Franstalig | E-book | 1230002406961, Boeken, Literatuur & Romans, Literaire romans, Jwarlal<